Les Joint-Ventures en Inde : le Cas de McDonald’s

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Écrit par : Dezan Shira & Associates

Traduit par : Linh Tran Huy

La relation troublée entre McDonald’s et l’un de ses partenaires indiens risque de compromettre la position de la société américaine dans l’industrie alimentaire indienne.

McDonald’s devrait fermer près de 170 points de vente dans le nord et l’est de l’Inde. 43 points de vente ont déjà été fermés à Delhi. Depuis septembre 2013, McDonald’s s’est engagé dans des batailles juridiques avec son partenaire pour le nord et l’est de l’Inde : Connaught Plaza Restaurants Private Limited (CPRL).

Cette jouxte entre la société américaine et CPRL a terni la réputation de la marque McDonald’s dans le sous-continent et a saboté le développement et l’expansion des entreprises. En 2015, par exemple, la société n’a ouvert que trois nouveaux points de vente dans le nord et l’est de l’Inde, alors que ses opérations au sud et à l’ouest ont continué à prospérer.

Les entreprises et les investisseurs étrangers devraient étudier le cas de McDonald avec attention et comprendre les risques posés par les joint-ventures (JV) en Inde et l’importance d’un processus de vérification et de planification consciencieux.

La montée au pouvoir de McDonald’s en Inde

Le fait même que McDonald’s (un restaurant connu pour ses produits à base de bœuf) ait réussi en Inde (où la consommation de bœuf n’est pas seulement stigmatisée mais aussi largement illégale) est instructif : le géant de la restauration rapide a parfaitement réussi à adapter ses produits aux goûts et aux attitudes locales.

McDonald’s a ouvert son premier restaurant indien en 1996. A l’époque, manger était considéré comme une activité relativement frivole par la classe moyenne indienne, et conséquemment les vendeurs de rue satisfaisaient la demande de la population à travers des repas rapides et abordables.

Ingénieusement, McDonald’s s’en est sorti en réduisant ses produits à base de viande (ne vendant pas de bœuf  ou de porc) en échange d’options végétariennes variées et de saveurs indiennes telles que le « hamburger aloo tikka », un steak haché à base de pommes de terre et de pois préparé avec des épices indiennes.

En outre, le géant de la restauration rapide présentait des produits à prix abordables pour attirer un marché plus large tout en dirigeant sa publicité vers les jeunes professionnels et les mondains.

McDonald’s est non seulement parmi les premiers magasins de fast-food étrangers à pénétrer le marché indien, mais peut se targuer d’avoir considérablement modifié la façon dont les consommateurs indiens perçoivent les restaurants.

Avant ses fermetures, McDonald’s possédait 430 points de vente dans le pays.

Les problèmes de la joint-venture de McDonald’s en Inde

Au milieu des années 1990, McDonald’s a signé deux accords de joint-venture en Inde. CPRL, dirigé par Vikram Bakshi, a pris en charge le nord et l’est de l’Inde, tandis que Hard Castle Restaurants, dirigé par Amit Jatia, a repris les régions du sud et de l’ouest. Ces deux entreprises indiennes étaient familiales et n‘étaient pas à l’origine basés dans l’industrie alimentaire.

En août 2013, McDonald a évincé Bakshi, l’accusant d’irrégularités financières. Bakshi a répliqué en portant l’affaire devant le Tribunal National du Droit des Sociétés de l’Inde (National Company Law Tribunal, ou NCLT), expliquant que McDonald’s essayait d’acheter ses actions à un taux sous-évalué. Le NCLT a réintégré Bakshi en tant que directeur général de CPLR.

En 2014, McDonald’s a offert à Bakshi 18,7 millions de dollars pour sa participation de 50 % dans CPRL. Bakshi a évalué sa participation à 81,6 millions de dollars US.

En juillet 2017, 43 points de vente de McDonald’s à Delhi ont été fermés de nuit pour cause de non-renouvellement des licences de santé réglementaires. Bakshi a déclaré plus tard qu’il n’avait pas renouvelé les licences pour cause de problèmes de qualité, spéculant publiquement sur les normes de santé des franchises McDonald’s dans le nord et l’est de l’Inde alors qu’il s’agissait de son propre district.

Enfin, le 21 août 2017, McDonald’s a annoncé qu’ils mettraient prématurément fin à leur JV avec CPRL, en fermant 169 points de vente dans leur région.

La marque de McDonald’s en Inde souffre de plaies auto-infligées, et pour cette raison, des milliers d’employés sont sur le point de perdre leur emploi.

Planification d’une joint-venture en Inde: les leçons à tirer de McDonald’s

La détérioration de la relation entre McDonald’s et CPRL n’a fait que saper leur succès passé en Inde. Les entreprises étrangères qui cherchent à s’associer à une entreprise indienne peuvent tirer de cet exemple quelques leçons de planification de JV en Inde.

Sélection et vérification d’un partenaire

Les entreprises indiennes locales sont désireuses de s’associer à des entreprises étrangères compte tenu de leur accès au financement et de leur succès. Les entreprises étrangères doivent en réponse faire preuve de patience et mener une due diligence lors du choix d’un partenaire indien. Des vérifications approfondies des antécédents et des recherches à la fois sur l’entreprise et les parties prenantes individuelles peuvent sauver une entreprise étrangère des batailles juridiques et des tensions financières qui pourraient potentiellement en découler.

En outre, l’Inde est le pays de la diversité avec de nombreuses langues régionales, des pratiques culturelles et des règlementations variées. Les entreprises étrangères ne doivent pas choisir un partenaire unique pour l’ensemble de l’Inde. Des partenariats multiples peuvent diffuser des risques tout en fournissant une portée à l’échelle nationale du marché indien.

Aligner les intérêts

Les cultures de travail aux États-Unis et en Inde peuvent être très différentes. Ces différences peuvent saboter un partenariat si elles ne sont pas examinées avec intérêt. De nombreuses entreprises indiennes sont des entreprises familiales et adoptent une attitude entrepreneuriale alors que les entreprises américaines ont tendance à être dirigées par des gestionnaires professionnels et ne travaillent pas sous l’autorité de membres de la famille.

Les acteurs étrangers doivent d’abord identifier les principales différences dans le processus de prise de décision, la stratégie à long et à court terme et les hiérarchies. Il est crucial d’identifier les principales parties prenantes (une tâche peu aisée en ce qui concerne les entreprises familiales) et de s’assurer de leur coopération.

La plupart des JV échouent en raison d’une mauvaise planification dans la phase initiale de lancement. Les entreprises étrangères devraient identifier les différences d’attitude et de stratégie entre les deux partenaires dès début, tout en comprenant et acceptant explicitement les objectifs spécifiques et les structures de travail.

Prise de décision et résolution des conflits

Une fois les intérêts alignés, ils doivent être formalisés dans un contrat global. Un contrat de JV n’est pas simplement un exercice bureaucratique mais véritablement une anticipation de conflits futurs. Les contrats devraient inclure des protocoles clairs pour la prise de décision, les résolutions de conflit et les stratégies de sortie.

Les entreprises étrangères devraient consulter un conseiller juridique basé en Inde pour mieux comprendre le paysage réglementaire et concentrer leur énergie dans la rédaction d’un contrat qui les protégera en cas de litige. Par exemple, même si les clauses de non-concurrence sont en grande partie inapplicables en Inde, les litiges peuvent être abordés en dehors du pays (et par conséquent hors des tribunaux indiens, souvent jugés lents et peu efficaces) s’ils sont stipulés dans le contrat.

Le potentiel d’une joint-venture bien planifiée en Inde

Développer une joint-venture avec un partenaire indien peut fournir aux entreprises étrangères une crédibilité accrue, de nouveaux réseaux et les aider à naviguer dans le paysage réglementaire de l’Inde.

Les entreprises étrangères peuvent atténuer les risques posés par les JV en examinant et en sélectionnant leurs partenaires avec soin tout en s’assurant que leur contrat inclut les dispositions appropriées pour la résolution des conflits.

Si le succès initial de McDonald’s en Inde était dû en partie à un bon fonctionnement de ses JV, sa chute actuelle est en partie le résultat de la mauvaise gestion de l’une de ses JV. Les investisseurs étrangers peuvent apprendre de l’exemple de McDonald’s : il est nécessaire de soigner ses partenaires indiens, veiller à ce que tous les intérêts des partenaires soient bien alignés et formaliser ces intérêts dans un contrat complet.

 

 

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